Vendredi 24 septembre 2021
Le Levitation France est de retour à Angers pour sa huitième édition. En 2020 nous y avons cru jusqu’au bout mais la programmation prometteuse a été emportée, comme beaucoup, par la crise sanitaire. C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que je retourne en Maine-Et-Loire pour la septième fois. Changement de taille cette année, le festival se déroulera dans son lieu originel, à l’extérieur du Chabada. Deux scènes se font face sur le parking de la salle de concert. Le merchandising est situé à l’intérieur du bâtiment et un lieu extérieur où se trouvait la seconde scène à l’époque servira de coin de restauration et de repos. L’espace a été aménagé pour l’occasion et l’on retrouve les traditionnelles projections psychédéliques qui font la marque de fabrique de ce festival.
Après une vingtaine de minutes de marche sous un agréable soleil j’arrive enfin au Chabada. J’entends au loin la fin du concert de La Houle, groupe local qui a l’honneur d’ouvrir la soirée. Des sonorités dream pop et une énergie positive envahissent le lieu. Je n’ai pu écouter que quelques morceaux mais le tout est plus que convainquant. Je voulais vraiment voir De Ambassade mais les néerlandais ont dû annuler leur venue pour raisons personnelles. Plus qu’un lot de consolation, les excellents Nova Materia vont les remplacer au pied levé. Ce n’est pas un hasard puisque Eduardo Henriquez accompagne les Limiñanas sur leur tournée actuelle (alias Edi Pistolas sur le morceau « Que Calor ! »). Au programme une electronique froide accompagnée de matériaux transformés en instruments : bouts de bois amplifiés, tubes de métal ou encore des pierres frottées les unes contre les autres. Il n’est pas encore 19H00 que l’envie de danser est déjà présente. Une excellente performance ! Les espagnoles de Melenas emboitent le pas avec leur rock psychédélique assez classique. Un concert qui accompagne bien le coucher du soleil qui se profile pour laisser place au maître de cérémonie, Peter Kember.
Sonic Boom allume ses machines à 19H50 pétantes pour nous faire planer durant un long voyage. Ancien membre fondateur du Spacemen 3, musicien expérimental dans Spectrum et E.A.R. et producteur à ses heures perdues, Peter Kember n’est pas né de la dernière pluie. On peut dire qu’il a apporté une pierre à l’infinie édifice qu’est la musique. Il vient ici nous livrer son deuxième album sous le pseudonyme Sonic Boom : « All Things Being Equal ». Une majorité de celui-ci sera joué sur scène. Les titres comme « Just Imagine », « Things Like This (A Little Bit Deeper ») ou encore « I Feel a Change Coming On » n’en finissent pas de nous envelopper. Une prestation magistrale que l’on aurait aimé plus tardive afin de profiter pleinement de la scénographie. Bravo ! Une pinte de piautre à la main, je me dirige vers la grande scène pour voir Mars Red Sky. Les francais assènent des riffs lourds typiques du stoner metal. Je dois avouer qu’ayant vu le groupe plusieurs fois, j’en profite pour aller me reposer un moment. La transition est un peu brutale mais cela ne remet en rien la qualité de ce groupe qui n’a plus rien à prouver de sa maitrise du genre.
Les anglais de Bdrmm ont été contraints d’annuler leur venue en raison du contexte sanitaire. Aux premiers abords déçu de ne pas entendre un peu de shoegaze, le duo Dame Area va être l’une des révélations de cette édition. Le groupe originaire de Barcelone est composé de Sylvia Konstance au chant/percussions et Victor Lux Crux aux pads électroniques. Les nappes synthétiques sont rudes et ne sont pas sans rappeler des sonorités industrielles. La foule bouge bien et la performance de l’italienne n’y est pas pour rien. Sylvia Konstance est parfaite sur scène, quelle énergie ! Ce concert à quelque chose d’assez tribale pour le plus grand bonheur de tous. L’acclamation du public est d’ailleurs à la hauteur de la performance. Je ne suis pas sûr de les écouter chez moi, mais je dois reconnaitre qu’ils m’ont bluffé.
Il est 22H45 et la tête d’affiche The Limiñanas investissent la grande scène pour un concert d’1H30. Un compte à rebours s’installe sur les premiers accords de « Saul », titre qui ouvre l’excellent dernier album « De Pelicula » réalisé en collaboration avec Laurent Garnier. Ce dernier n’est pas présent sur la tournée ce qui n’enlève rien à la grande classe qu’ont les sept musiciens sur scène. Petite nouveauté au programme, on retrouve Eduardo Henriquez de Nova Materia au chant et aux pads électroniques. Les morceaux s’enchainent en faisant place aux succès du groupe y compris deux morceaux de l’Epée et un morceau des Beach Bitches. « De Pelicula » n’est pas en reste et donne tout de suite un aspect krautrock à l’ensemble. D’ailleurs, « Mother Sky » de CAN sera reprise, grande classe effectivement. Lionel et Marie n’ont jamais caché leur affect pour ce genre avare de répétitions et autres boucles psychotiques. Le concert se termine sur le déluge sonique de « The Train Creep A-Loopin » qui finit de m’emporter. On aura vu Marie chanter (fait rare !), Lionel sourire, bref un groupe heureux de jouer devant nous. The Limiñanas ont toujours été sincères et accessibles tout en étant brillants et c’est pour ça qu’on les aime. La Jungle a pour mission de clôturer la première soirée avec un mélange techno noise rock venu tout droit de Belgique. C’est puissant, sauvage et c’est bien la première fois que je vois un wall of death au Levitation. On peut dire qu’ils ont clairement retourner le public encore présent. J’aurai bien apprécié encore une heure de musique comme les fois précédentes mais tout commence à devenir flou, il est temps de rentrer. La journée de demain commence plus tôt et s’annonce tout aussi mémorable que la première.
https://www.youtube.com/watch?v=e_1Kl_c1t5E
Samedi 25 septembre 2021
Je me réveille un peu embrumé et en regardant l’heure je me dis que dans peu de temps je serai une pinte à la main en train d’écouter le premier groupe, manger serait une bonne idée. Je choisi le meilleur moment pour me diriger vers le Chabada et j’arrive bien évidemment trempé de la tête aux pieds. Je cours me réfugier à l’intérieur là où se trouve le merchandising. Je vais finalement louper Baston et Tiña, je ne suis pas équipé pour affronter la flotte. La pluie se fait rare et je sors de ma grotte pour aller voir le concert chamanique de Emmanuelle Parrenin, Detlef Weinrich et Quentin Rollet. Armée de sa vielle à roue, la chanteuse profère des incantations sur des nappes synthétiques au relent de krautrock. Je suis assez content de voir que le Levitation propose encore quelques expérimentations musicales. Ce sont toujours des découvertes appréciables. La pluie s’arrête de tomber et le groupe Wild Fox va mettre le feu sur la scène nord. J’avais déjà eu l’occasion de les apercevoir au Quai lors de l’ouverture de l’édition 2018. Sous leurs airs je-m’en-foutistes et leurs running gags, les angevins proposent des morceaux bien construits et efficaces. Je dois avouer que je préfère des titres comme « Gin Less » que ceux de leur dernier E.P. « Night Has Come » qui ont une tendance plus punk rock. Mais ceci n’est qu’une affaire de goût et le public n’a pas trahi leur prestation.
Après un passage express au bar, je me dirige pour écouter Anika que j’attendais avec impatience tant l’album « Change » m’a percuté. Le concert démarre mal car une coupure d’électricité sur la scène va venir perturber le quatuor après seulement quelques morceaux. Elles prennent ça avec le sourire et en profitent pour boire une bière. A vrai dire j’ai été un peu déçu du groupe, je n’ai pas retrouvé les émotions présentent sur l’album. Annika Henderson un peu trop lunaire ? Un format qui manque d’intimité pour ce style de musique ? Surement un mélange des deux mais il n’en demeure pas moins que « Change » a une place dans ma discographie.
La véritable première claque de la soirée nous viendra de Zombie Zombie & Sonic Boom. Le vaisseau spatial est entrain de décoller. Il est presque 20H00, les propulseurs Cosmic Néman et Doc Shonberg sont déjà lancés pendant qu’Etienne Jaumet aux commandes de ses synthétiseurs se prépare à nous guider dans l’espace. Mais cette fois ci il n’est pas seul à piloter, Sonic Boom est avec lui. J’ai failli verser une larme quand ils ont repris « Revolution » du Spacemen 3, c’est la première fois de ma vie et peut être la dernière que j’entends ce titre fondateur en concert. La prestation se termine sur « Livity » de Zombie Zombie et ils réussissent le pari de nous faire léviter. En même temps on ne vient pas au Levitation Festival pour garder les pieds sur terre. Lice démarrent sur la scène sud et c’est un peu violent pour mes oreilles. A vrai dire j’ai un peu du mal avec cette nouvelle scène de Bristol. La coupure de courant est de retour, j’en profite donc pour aller manger et boire un verre vers le marchandising. Je vais me rapprocher de la scène et attendre sagement Slit, le déluge sonore est proche.
Ce n’est pas la première fois que je vois les toulousains et j’ai l’impression qu’ils s’améliorent à chaque passage. Le second album « Ummon » apporte des éléments de space-rock qui révèlent une identité propre ce qui les place d’emblée au-dessus de la mêlée des groupes à tendance Oh Seesienne. Au programme, le fameux écran psychotique et une bonne partie de l’album « Ummon » interprété tel un tout indissociable. Ça tombe bien car c’est exactement la teneur de cette œuvre dont la perfection touche chacun des morceaux. Le final se fera donc sur l’excellente et longue « Lions, Tigers And Bears ». La foule bouge, danse et on peut dire sans trop se tromper que Slift a marqué les esprits lors du Lévitation 2021. Il fait à présent nuit et les filles de Los Bitchos investissent la scène sud. Je ne savais pas quoi attendre de ce groupe et leurs morceaux instrumentaux mélangeants surf rock et sonorités exotiques. Elles parviennent à énergiser le public et transformer le parking du Chabada en véritable piste de danse. Cette musique chaleureuse et légère est un véritable havre de paix entre deux groupes qui balancent des riffs acérés. La sortie de leur premier album « Let The Festivities Begin! » est à surveiller de près.
La tête d’affiche du samedi soir Shame est très attendue au vu de la foule compacte devant la grande scène. La fin de soirée laisse carte blanche à nos amis d’outre-manche. Cela fait plusieurs années que les britanniques nous envoient de superbes groupes et on est heureux de les retrouver sur le devant de la scène après une période de disette. Avec sa gueule de hooligan, Charlie Steen est un véritable showman. Au bout du troisième morceau, l’excellent « Concrete », il est déjà torse nu à se jeter dans la fosse. Si leur musique n’est pas à proprement parler psychédélique tant l’urgence des morceaux est palpable on est quand même ravi de se faire bousculer par Shame. Leur setlist est savamment dosée entre « Songs Of Praise » et « Drunk Tank Pin ». Leur prestation scénique sera assurément un moment remarqué de cette édition. D’ailleurs, celle-ci touche à sa fin avec un dernier groupe en provenance de Todmorden dans le Yorkshire. Les anglais sont bel et bien là et cette jeune formation dont les membres n’ont même pas vingt ans va nous le prouver. La musique de Woking Men’s Club me fait tout de suite penser à du New Order en plus moderne et plus psychédélique. Sydney Minsky-Sargeant a un côté sacré branleur et autoritaire, on dirait qu’ils sont deux dans sa tête. Lui aussi terminera rapidement torse nu (la nouvelle mode à l’anglaise ?). Les beats électroniques de « Valleys » soulèvent la foule, j’ai l’impression d’être dans un vieux club poisseux de Manchester. « John Cooper Clarke », dont la référence se passe de commentaire, est plus que magique. Le concert se termine sur la longue déflagration sonore « Angel » qui clôture également leur excellent premier essai éponyme. Un groupe à suivre dans les prochaines années !
Cette huitième édition se termine avec un record d’affluence pour le festival. C’est plutôt encourageant dans la mesure où il n’y avait pas de « grosses têtes d’affiche » comme les précédentes éditions. En 2022 Levitation France rentre dans le rang et se déroulera sur trois jours du 3 au 5 juin dans le même lieu. Le rendez-vous de septembre va manquer mais c’est surement l’unique solution pour attirer plus de groupes. J’espère que le festival va conserver son aspect outsider, que la scénographie sera plus immersive et qu’on trouvera plus de place pour se poser, se restaurer ou boire un verre. Quoiqu’il en soit, à l’année prochaine !